Abus de droit : un amendement sème le trouble
En fin d’année 2018, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Joël Giraud, et Bénédicte Peyrol, tous deux LREM, ont déposé un amendement visant à modifier la définition de la notion d’abus de droit. Ce terme juridique, qui portait jusqu’alors sur des montages dont les objectifs étaient exclusivement fiscaux, s’appliquera désormais aux opérations à visées principalement fiscales. Une nuance qui inquiète les fiscalistes tout comme les investisseurs particuliers.
Dalloz, définition de l’abus de droit : « L’abus de droit est le fait, pour une personne, de commettre une faute par le dépassement des limites d’exercice d’un droit qui lui est conféré soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui (Cass. Civ1. 3 août 1915 n° 00-02.378). L’abus de droit est caractérisé dès que la personne qui en est titulaire en outrepasse l’exercice et causant préjudice à autrui (Civ. 2e, 26 nov. 1953). »
Les donations en nue-propriété pas impactées ?
Dans le viseur, les montages patrimoniaux tels que les donations de biens immobiliers dans le cadre d’un démembrement de propriété. En effet, de nombreux propriétaires souhaitant préparer leur succession de leur vivant optent pour la transmission anticipée de leur patrimoine. Pour ce faire, ils transmettent à leurs enfants des biens immobiliers grâce à la nue-propriété et en conservent l’usufruit. Ils peuvent dès lors continuer à faire usage de leurs biens, y vivre, mais également les proposer à la location et en tirer des revenus. Quant aux héritiers, ils ne deviennent pleinement propriétaires des biens qu’au décès de leurs parents et n’ont alors plus à s’affranchir des frais de succession.
Face aux inquiétudes, Bercy a de son côté publié un communiqué de presse samedi 19 janvier dernier, dans le but de rassurer les fiscalistes et les particuliers. Dans ce document, le ministère insiste sur le fait que cette modification n’aura pas d’incidence sur les donations en nue-propriété et que « la loi fiscale elle-même encourage les transmissions anticipées de patrimoine entre générations parce qu’elles permettent de bien préparer les successions ». Rappelons par ailleurs que cette requalification dont le seul objectif est de mieux lutter contre la fraude fiscale, ne sera appliquée qu’« aux actes passés à compter du 1er janvier 2020 ».